Cet artiste, doté d’une forte personnalité, fut très lié aux cercles d’humanistes « antiquaires », aux yeux desquels il incarna l’idéal de la Renaissance. En récréant un monde antique, empli de fierté et de gravité, conciliant la narration esthétique et le fait historique, Mantegna, peintre de la Renaissance, devient un peintre d’histoire et rentre dans l’Histoire.
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- Andrea Mantegna (1431 - 1506)
Les ressorts profonds de son art sévère résident dans son admiration pour l’Antiquité classique, son répertoire ornemental et son idéal de vertu, l’imitation scrupuleuse de la nature. Mantegna applique les principes en matière de perspective, énoncés par l’architecte et théoricien Leon Battista Alberti (1404-1472), mais il s’inspire également des leçons de la peinture flamande et de sa réelle fascination pour la sculpture.
Les œuvres de Mantegna, parfois très spectaculaires par leur taille et leurs effets saisissants de perspective, peuvent également être d’une exécution extrêmement raffinée ou d’une inspiration intimiste.
L’exposition se clôture par une évocation de son héritage. Il s’agit de montrer, comment, malgré l’émergence d’une sensibilité plus aimable et sentimentale et le ralliement de nombre de peintres à ce qu’il est convenu d’appeler « la manière moderne » – celle de Raphaël et de Michel-Ange notamment – certains d’entre eux, Corrège en tête, restent fidèles, du moins à leurs débuts, à des types, des motifs mantégnesques et plus durablement à certaines des formidables inventions spatiales ou certains des jeux illusionnistes du vieux maître.
Mantegna se montrera d’une grande fidélité à ces principes développés dès les premières années de son activité, conférant à son oeuvre une harmonie stylistique qui lui est propre. Il exerça avec la même aisance souveraine, la même verve inventive, ses talents sous les formes les plus diverses, expérimentant parfois des techniques nouvelles pour traduire, avec le plus d’acuité possible, ses inventions plastiques.
L’exposition du Louvre , qui donne à voir un nombre d'oeuvres élevé (190 environ), est donc visuellement très variée. Si la part des tableaux est sensiblement plus importante, sont également montrés des dessins, des estampes, des manuscrits, des sculptures et des objets d’art. Étant donné la rareté des oeuvres de cette époque, il est exceptionnel de compter autant de témoignages d’un artiste de cette importance sur le sol français, de surcroît des pièces essentielles, très diverses à la fois dans leur date d’exécution et leur typologie, permettant de ce fait de reconstituer de façon pertinente le parcours de ce génie. Cette exposition monographique, à travers une scénographie conçue par Richard Peduzzi et Cécile Degos, propose de jeter un regard nouveau sur ces chefs-d’oeuvre.
Les oeuvres de Mantegna, parfois très spectaculaires par leur taille et leurs effets saisissants de perspective, peuvent également être d'une exécution extrêmement raffinée ou d'une inspiration intimiste. C'est en effet tout le paradoxe de cet artiste dont l'austérité, l'érudition d'antiquaire parfois un peu appuyée, ne doivent pas cacher une authentique sensibilité, un talent d'observation saisissant, une veine poétique, souvent teintée de mélancolie et parfois d’humour.
Le martyre de 'Saint Sébastien' de 1459, l'oeil est attiré par la cité située à pic, en flanc de montagne. La route qui y conduit passe d'abord par un forum romain, puis, en se rapprochant du ciel, à un ensemble de maisons médiévales ou même Renaissance.
Mantegna semble ainsi placer la ville humaniste de son époque plus proche de Dieu que le forum antique. Saint Sébastien ayant d'ailleurs péri pour avoir brisé des idoles romaines. Des morceaux de statues gisent autour de lui, en particulier un pied, dont le parallèle avec le pied du martyre est frappant.
Si l'on a dit que les personnages de Mantegna étaient de véritables statues, très inspirées de la manière antique, Mantegna semble pourtant vouloir la dépasser, proposant un nouveau type de sculpture qui intègre les connaissances scientifiques récentes tout en rendant hommage à Rome. Le réalisme de l'anatomie de Sébastien transparaît dans la peau épaissie par les flèches ou boursouflée par les cordes. Il étudie, comme Léonard de Vinci un peu plus tard, le système des veines et des nerfs. Le corps sculptural de saint Sébastien vient donc prendre la place du vieux fétiche qui a volé en éclats, dont il ne reste qu'un pied en sandale.